
Une étude parue dans le «Journal of Comparative Psychology» en début juillet a recensé 34 cas d’orques semblant offrir leurs proies à des humains. Les spécialistes cherchent à expliquer un tel comportement chez ce cétacé, connu comme l’un des plus grands prédateurs marins: est-ce de l’altruisme, de la manipulation ou encore une stratégie de communication?
Un comportement surprenant

Lors de l’observation de deux orques en 2015, Jared Towers, le directeur exécutif de Bay Cetology, une équipe canadienne de biologistes marins basée à Alert Bay, en Colombie-Britannique, a observé un comportement surprenant chez l’un des mammifères marins.
L'observation de Jared Towers

Une jeune orque femelle «s’est approchée d’une caméra que j’avais placée dans l’eau pour filmer son petit frère, puis elle a ouvert la bouche et laissé sortir un oiseau de mer mort», a rapporté Towers à CNN.
Un moment figé sous l’eau

Elle a refermé la bouche, s’est arrêtée, apparemment pour observer la réaction de Towers, et est restée suspendue dans l’eau tandis que l’oiseau mort flottait au-dessus d’elle. Puis, après quelques secondes, elle s’est retournée vers la caméra et a de nouveau avalé l’oiseau.
Un autre cas pour Jared Towers

Un cas similaire s’est reproduit en 2018, lorsqu’une autre jeune femelle orque a relâché un phoque fraîchement tué près du bateau de Towers. «Elle aurait pu le laisser tomber de la poupe ou de la proue, mais elle l’a laissé tomber en plein milieu du navire, juste à côté de nous», raconte le chercheur. «Nous sommes restés assis là à regarder cet animal s’enfoncer dans l’eau pendant 10 ou 15 secondes, jusqu’à ce qu’elle décrive un petit cercle, revienne et le ramasse».
Des orques des deux sexes et de tous âges

Après avoir discuté avec ses collègues de ces étonnantes interactions lors d’une conférence scientifique en début d’année, Towers s’est rendu compte que d’autres chercheurs avaient vécu la même expérience avec des orques des deux sexes et de toutes les classes d’âge.
Des cas à travers le monde

Ils ont donc joint leurs observations et expertises pour écrire une étude récemment publiée dans le «Journal of Comparative Psychology». Elle recense 34 cas d’humains ayant observé des épaulards leur partager leur nourriture, répartis sur quatre océans différents, entre 2004 et 2024. Dans une entrevue avec la Presse canadienne, Towers souligne que, depuis la publication de la recherche, les auteurs ont identifié d’autres cas qui auraient pu être ajouté à cette compilation.
18 espèces offertes par les orques

Dans ces cas, ayant eu lieu notamment en Norvège, en Nouvelle-Zélande et en Californie, 18 espèces ont été offertes: six poissons, cinq mammifères, trois invertébrés, deux oiseaux, un reptile et une algue.
L'attente d'une réponse humaine

Dans tous les cas, sauf un, les orques ont attendu une réponse humaine une fois la proie présentée avant de réagir. Quelques courageux se sont saisis de la nourriture le temps d’y jeter un œil, avant de la rejeter à l’eau.
Une attitude d’abord interprétée comme un jeu

Cette attitude aurait pu être assimilée à du jeu, mais les chercheurs ont finalement écarté cette hypothèse en considérant que cette espèce satisfait d’abord ses besoins alimentaires avant de jouer. De plus, les orques récupéraient dans la plupart des cas les proies pour les partager entre eux après avoir vu que les humains n’y touchaient pas.
Des signes prosociaux

«Même si nous ne pouvons pas exclure qu’il y ait une variété de raisons à ce comportement, selon moi ce sont des signaux prosociaux, c’est plus ou moins un comportement altruiste», explique Towers. «Ce comportement peut représenter l’un des premiers témoignages d’un prédateur sauvage utilisant intentionnellement une proie pour explorer directement le comportement humain», poursuit-il.
Une évolution intellectuelle convergente avec la nôtre?

Le biologiste marin ajoute même que «cette espèce a peut-être […] une évolution intellectuelle convergente avec la nôtre.» Ce dernier souligne également qu’il est de coutume chez les orques de partager entre elles leurs vivres, leur permettant ainsi de tisser des liens.
Des motifs de manipulation?

D’après le site scientifique LiveScience, même «si ce comportement semble altruiste, impossible d’éliminer l’hypothèse de la manipulation – le but des orques reste encore un mystère». Selon CNN, les orques sont connues pour utiliser des proies afin d’attirer d’autres espèces avant de les tuer. Or, le média souligne qu’il n’existe aucun cas documenté d’orques ayant tué un humain à l’état sauvage. De plus, aucun des 34 cas étudiés n’a montré une forme d’agressivité de la part des cétacés.